Le Carnaval à Saint-Vincent, Cap-Vert (Partie 2)

Le Carnaval à Saint-Vincent, Cap-Vert (Partie 2)

13 mars 2024 0 Par Gilles Fontaine

Une fois par an, le carnaval électrise toute l’île (et l’archipel) pendant quelques jours. Tout le monde participe, les enfants défilent, les grands chantent et dansent en attendant LE jour du Mardi gras. Le carnaval coule dans les veines des habitants. Dès que les chansons officielles des groupes jouent, tout le monde sort, et participe. Plus rien n’existe à part la fête.

À l’origine, le carnaval vient de la fête portugaise de l’Entrudo qui était l’occasion de célébrer mardi gras. Cette tradition a été importée sur l’archipel cap-verdien par les colons portugais. Le carnaval au Brésil partage la même origine. Réservée d’abord aux colons, la fête évolua grâce aux Cap-Verdiens qui s’en approprièrent les codes. Aujourd’hui, le carnaval s’étale sur quatre jours hauts en couleur et en musique.

Tout commence le vendredi avec les enfants, les différentes écoles défilent comme les grands sur le parcours des défilés. Ils dansent et chantent comme les grands ! Bien que très modestes par rapport à leurs aînés, ces enfants sont touchants. Certains sont motivés, d’autres moins. En tout cas, ce premier jour nous montre l’enracinement du carnaval dans la culture du pays. D’ailleurs, on connaît principalement Saint-Vincent comme carnaval, mais chaque île organise ses propres festivités.

Après cette mise en jambe, le samedi, place aux adultes et au défilé des professeurs. C’est le jour qui m’a le plus ému. La fête est l’occasion de faire passer des messages. Cette année, le pays a éradiqué le paludisme endémique. Cette victoire est fêtée dignement. Ensuite, ce sont les professeurs qui suivent. Les costumes sont colorés et font tous référence à des disciplines comme la géographie, la science, la littérature ou la musique. C’est un défilé très respecté par les spectateurs. On voit beaucoup d’élèves venus saluer et encourager leur enseignant. L’implication, l’inventivité et le dynamisme des participants sont communicatifs. Bien entendu, les moyens ne sont pas les mêmes qu’à Nice ou Rio. Mais ces détails sont vite oubliés quand on voit le cœur et la générosité de la fête.

Le dimanche, place aux quartiers de la ville. Les groupes sont grimés en noir, revêtus d’un pagne, de corne et de petites cymbales. D’abord anarchique, tout le monde trouvera sa place. Le public se range le long des rues et le défilé s’organise. Toute l’ambiance est plus festive, la ville appartient aux jeunes et aux différents quartiers de Mindelo. Le rhum local coule à flots, la ville s’abandonne dans les bras du carnaval, la foule est entraînée par les rythmes endiablés des différentes bandes.

Lundi et mardi sont plus traditionnels. Tout commence au matin. En plus des tribunes, les riverains installent tout ce qui peut servir à s’asseoir le long du parcours. Nous avons compté jusqu’à trois rangées de sièges le long des trottoirs. Ces places peuvent être directement réservées pour suivre les défilés.

Le lundi soir, l’école locale de samba prend possession de la rue. Les spectateurs se placent sur les trottoirs derrière une corde tendue pour l’occasion. Au fur et à mesure du temps qui passe, ils deviennent littéralement noir de monde. Nous sommes serrés comme des sardines en attendant le passage du groupe. Pendant cinquante minutes, plusieurs groupes passent et dansent au son des percussions. Plusieurs chars ponctuent également le défilé. Ce n’est qu’un apéritif. Le lendemain, c’est le grand jour du mardi-gras et quatre écoles brigueront le titre de meilleur groupe du carnaval. C’est une affaire sérieuse !

Le défilé se tiendra le soir. C’est maintenant une forêt de chaise et de bancs qui envahissent littéralement les trottoirs. Visiblement, le tout Saint-Vincent se donne rendez-vous le long des deux kilomètres du parcours. Les sièges et autres strapontins seront bien utiles. En effet, chaque groupe est composé de plusieurs chars, d’une fanfare et de danseurs et leur passage prend en moyenne quarante minutes. Il y en a quatre et leur passage est entrecoupé d’une bonne demi-heure d’attente.

Au crépuscule, vers 18 h 30, le public arrive. Il s’installe paisiblement le long du chemin. Tout se passe dans la bonne humeur. Des vendeuses ambulantes proposent boissons, tartes, beignets et encas. Tout s’organise naturellement sans véritable organisation bien établie. La foule occupe la route et déambule tranquillement. Petit à petit, chacun trouve sa place, s’installe, boit un verre (ou plusieurs).

C’est d’abord un murmure, on perçoit le son des tambours au loin comme une grande rumeur qui court le long de la voie publique. La foule retient son souffle et d’un coup, lorsque le couple de danseurs ouvre le défilé et apparaît, la clameur monte et explose pour ne retomber qu’avec le dernier char. Ensuite, tout recommence jusqu’au prochain groupe. La fête durera jusque tard dans la nuit.

Le lendemain, le vainqueur sera désigné par le jury, ce qui viendra clore la fête jusqu’à l’année prochaine.