Beppu (Partie 5)

Beppu (Partie 5)

17 janvier 2024 0 Par Gilles Fontaine

Ce matin, nous disons au revoir au Shinkansen pour quelques jours et prenons un train régional express à destination d’Oita. Direction la côte est de l’île avec la petite ville balnéaire de Beppu qui donne sur le golf éponyme et, au-delà, sur la grande mer intérieure de Seto. La voie ferrée longe tantôt la mer, tantôt la montagne le long de courbes douces quand les panneaux du train nous indiquent notre arrivée imminente. Sur le quai, la première surprise vient des haut-parleurs qui annoncent la destination en chantant. Notre hôtel est un « ryokan », une maison d’hôtes traditionnelles, nous dormirons sur des futons et des bains publics sont à disposition. On pourrait qualifier la chambre de monacale, peu de mobilier, pas de lit, mais juste un matelas que l’on installe chaque soir et un balcon pour prendre le thé.

Des hôtels, des bains (appelés onsen), des restaurants, des cafés et des établissements coquins, Beppu est une ville pour le plaisir des sens et du corps. Dans chaque recoin, ça fume, bouillonne, frémit. C’est ici que l’on trouve le plus vieil établissement de bains du Japon. Le porche aurait inspiré l’établissement dessiné par Hayao Miyazaki dans son dessin animé « Le Voyage de Chihiro ». C’est une petite ville, de province bâtie juste à côté d’un volcan. Au loin, une ancienne coulée de lave est toujours visible. Nous nous y sentons juste bien. Quel bonheur de profiter de ces moments où le temps semble suspendu. Nous sommes bercés par le bruit de l’eau qui coule doucement dans le bain chaud.

D’une manière générale, les bains sont intrinsèquement liés à la culture japonaise. Du nord au sud de l’archipel, on en trouve partout. Il faut dire que la géologie locale favorise les remontées d’eaux chaudes.

Leur usage est très codifié. On se déshabille complètement au vestiaire, ensuite il faut se laver consciencieusement et enfin, vous rentrez dans le bain. Souvent, les établissements (nommés « onsen ») proposent ce service pour une centaine de yens. Si vous n’avez pas de serviette, ils vous en vendront une pour un prix très modique (généralement 200 yens). Ne vous attendez pas à une serviette de plage, c’est juste pour vous essuyer. Elles correspondront le plus souvent à nos essuie-mains. C’est une activité sociale, les Japonais viennent se détendre après le travail ou pendant leur temps libre entre collègues ou entre amis. C’est comme les saunas dans les pays nordiques. Mais le nec plus ultra de la côte est de pratiquer le bain de sable chaud. Nous l’expérimenterons un peu plus au sud dans la petite ville d’Ibusuki. Nous adoptons très rapidement cette coutume très agréable. À Beppu, ce sont les vraies vacances ! À Beppu, j’oublie tout !

Une visite très sympathique à faire en front de mer est la tour de Beppu. C’est comme une tour Eiffel, mais plus petite et elle aurait pris de l’embonpoint sur le bas. Elle est certes moins aérienne, mais haute quand même de près de cent mètres. De ce point de vue, notre regard embrasse la ville et la baie sur trois cent soixante degrés. La coulée de lave est ici bien visible comme une balafre noire indélébile dans la forêt sur le versant de la montagne. La tour n’est pas qu’un panorama, c’est aussi un petit musée qui retrace l’histoire de la tour et des transmissions radio.

C’est à Beppu que nous prenons conscience d’un amour des Japonais pour les tampons encreurs. Il y en a littéralement partout. C’est vrai pour le tourisme, beaucoup de lieux vous proposeront de les collectionner. Mais, le tourisme n’est qu’un reflet d’une pratique commune dans tous les milieux. Si vous payez une facture, un tampon, vous vous enregistrez à l’hôtel, un formulaire et un tampon, une signature, un tampon. Les Japonais sont fous de leur administration, ils aiment les procédures. On pourrait presque affirmer que la société tout entière est une procédure globale. Si vous enlevez cette composante, le Japonais est perdu. Tout doit être organisé pour fonctionner.

Les sept enfers de Beppu

À l’arrière de la gare, la station de bus nous permet de nous rendre dans un lieu assez insolite. Ce sont les sept enfers, un endroit où la terre est chaude et où l’eau est partout. C’est aussi le premier endroit plus tropical que nous visitons : des palmiers, des oiseaux de paradis et d’autres plantes tropicales y poussent en abondance. Ici, le volcanisme s’exprime de manière artistique par des fumerolles, des jets de vapeur, des boues bouillonnantes, des nuances de bleus et de rouges sont finement dessinées dans les reflets des lacs soufrés. De tous côtés, la terre souffle, crache, frémit. L’énergie de la terre est utilisée pour chauffer des serres ou élever des crocodiles. Sur ce site, les enfers sont au nombre de cinq. Pour visiter les deux derniers, il faudra prendre un bus. Par facilité, vous pouvez acheter un carnet avec les sept tickets. À chaque enfer correspond un tampon, collectionnez-les tous, cela vous fera un beau souvenir.

Dans certains enfers, on trouve des espaces aménagés pour prendre des bains de pieds. C’est très reposant de pouvoir enlever ses chaussures et de se poser quelques minutes pour prendre soin de ses pieds. L’eau chaude, le petit courant qui court sur votre voûte plantaire et le temps propice de l’arrière-saison nous clouent littéralement sur notre banc. Chacun de ces petits moments est précieux.

Le mont Tsurimi

Un peu à l’écart de la ville, la montée sur le mont Tsurimi à 1 300 mètres de haut offre un panorama sans pareil sur la baie de Beppu et la cité. Là aussi, rendez-vous est donné à l’arrière de la gare pour un petit voyage en bus. Il vous conduira jusqu’à la station de téléphérique. Le trajet aller-retour coûte 1 800 yens, soit une quinzaine d’euros. À la station aval, on trouve une boutique de souvenir, une petite distillerie, en amont, c’est pareil, les Japonais ont un grand sens du commerce.

À la sortie, un petit temple est consacré à l’amour. Les couples d’amoureux de la région font le voyage pour prier et demander la longévité à leur couple. Nous profitons pour prendre une prédiction. Si elle est mauvaise, pas de souci, elle sera brûlée par les moines.

Le téléphérique ne marque pas le sommet de la montagne. Une petite promenade de quelques centaines de mètres vous mènera au sommet. Le parcours est parsemé de statues d’esprits habitant la montagne.

Demain, nous quitterons la côte pour nous enfoncer vers le centre de l’île et le village d’Aso. Il se situe au centre d’une immense caldera et au pied d’un volcan toujours actif.