Arrivée sur Kyushu (Partie 4)

Arrivée sur Kyushu (Partie 4)

6 janvier 2024 0 Par Gilles Fontaine

Après quelques heures de train, nous arrivons au début de soirée à Fukuoka. C’est la grande ville du nord de l’île et la porte d’entrée de Kyushu. Notre hôtel est tout proche de la gare, juste une rue à traverser. C’est un confort si vous avez un bagage encombrant. La station du train rapide se situe à Hakata. C’est également le point de départ pour les trains à destination de Nagasaki. Lors de la planification de notre itinéraire, nous avons choisi de ne pas visiter le second site d’explosion de la bombe atomique. C’est un peu un regret, mais malheureusement le temps sur place est limité. Ayant déjà visité Hiroshima, nous connaissons l’émotion suscitée lors de cette visite tellement particulière. Si c’est votre premier voyage au Japon, ne faites pas l’impasse ! Votre regard sur la guerre, la haine de l’autre et l’annihilation totale en sera changé pour le reste de votre existence.

Malgré la nuit tombée, la température y est douce, l’ambiance est plus décontractée qu’à Tokyo. Certains diront que c’est le charme des villes de province. Pour l’heure, il se fait tard et la journée a été éprouvante, nous allons nous coucher, curieux d’être le lendemain pour notre première journée de visite sur Kyushu. Nous comptons également beaucoup moins de touristes occidentaux, nous nous immergeons dans la moiteur subtropicale du Japon du Sud qui nous accompagnera pour les quinze prochains jours.

Les ruines du château, le parc Ohori et la tour de Fukuoka

Après une bonne nuit de sommeil, on se dirige vers les ruines du château. Il est situé dans un grand parc. Nous sommes samedi matin et il n’y a pas école. Pourtant, le parc est envahi par des jeunes en activités complémentaires à leur scolarité. Elles sont très populaires auprès des parents. Dessins, photos, sports collectifs ou tir à l’arc traditionnel, il y en a pour tout le monde. Même les personnes âgées sont de sortie. Les activités se font quasiment toujours collectivement. De 7 à 77 ans, le groupe social est important. Le plus souvent, il est caractérisé par un uniforme propre à chaque institution. Ce n’est pas quelques petits groupes épars. Le parc est littéralement envahi. Et, encore une fois, tout se passe dans le calme.

Les ruines offrent une très belle vue sur la ville. Du château, il ne reste que les fondations en pierres. L’édifice a été détruit par les événements naturels et il n’a pas été reconstruit. Un sentier permet de déambuler le long des remparts pour arriver sur les douves qui sont recouvertes par les nénuphars. Ensuite, nous nous dirigeons vers un jardin japonais traditionnel. Le prix d’entrée est modique. Si vous aimez les jardins, ne vous en privez pas. Lanternes, petits ponts courbés avec douceur, cascades, rivières, lacs, bonzaïs et jardins secs vous en mettront plein les yeux.

À la sortie de ce petit bijou végétal, nous arrivons dans le parc plus traditionnel avec, en son centre, une grande pièce d’eau traversée par un petit pont. Là aussi plusieurs groupes vaquent à leurs occupations. Les amoureux pourront louer des « barques-cygne » pour un petit tour sur le plan d’eau.

Pour finir la journée, nous nous dirigeons vers la tour de Fukuoka. Elle héberge une chaîne de télévision ainsi qu’un étage panoramique. Nous y montons pour observer la baie et la ville. Avec le temps dégagé, la vue est sublime.

Au pied du gratte-ciel se tient un marché. Comme tout au Japon, l’organisation est parfaite. Les stands sont tous identiques, alignés en rang d’oignons. On y trouve de tout, objets divers, camelots, et surtout de la dégustation de spécialités locales. Le bœuf Wagyu en est une des plus célèbres. On connaît mieux cette race bovine sous le nom de bœuf de Kobe. Le filet est délicatement parcouru par des centaines de petites veines de gras. Ce dernier viendra fondre délicatement lors de la cuisson pour une explosion de saveur lors de la dégustation. Cette viande est un chef-d’œuvre gustatif, surtout si vous l’accompagnez d’un peu de poivre.

Dazaifu Tenman-gū

Au terminus d’une petite ligne locale à voie unique, la gare de Dazaifu est comme sortie d’un manga. Les quais sont recouverts par une toiture rouge conçue comme une petite pagode. L’ambiance devient spirituelle. Comme avant d’entrer dans un sanctuaire (et c’est identique pour toutes les religions), nous devons passer devant les boutiques. Ce sont d’abord des souvenirs pour les touristes. On y trouve de tout, des magnets, des porte-clefs, des couteaux de cuisine, des petites statues, des figurines, des biscuits-souvenirs ou bien encore de la street-food.

Ensuite, c’est l’entrée dans le sanctuaire. On passe sous de grands torii, la frénésie de la foule fait place au recueillement. Un immense taureau nous accueille. Un défilé ininterrompu de fidèles se presse pour le saluer par une caresse amicale entre les cornes. Ce geste, répété des millions de fois, patine le métal. Il est usé de par la multitude de mains qui touchent le sacré. Contre une offrande, on vient demander la réussite aux examens ou dans sa vie professionnelle. Il faut préciser que le lieu est construit autour de la tombe de Sugawara no Michizane, homme politique et poète célèbre di IXe siècle. Le temple a été plusieurs fois détruit et reconstruit, mais, il est occupé sans discontinuer depuis ce temps. L’homme politique s’est retrouvé exilé sur Kyushu à la suite de désaccords, mais il est resté très populaire à tel point qu’il a été déifié à sa mort. Au-dessus de la pierre tombale du poète et philosophe est posé un pinceau comme pour prolonger son art au-delà de la mort du corps. Son esprit occupant les lieux pour l’éternité. Chaque pont, lanterne, oratoire a sa signification spirituelle. La religion shintoïste est très codifiée.

Nishitetsu-Gojo

Sur le panneau d’informations, nous remarquons un sanctuaire à quelques kilomètres. Nous reprenons donc le train dans le sens inverse, mais pour un bref voyage de quelques minutes. Un arrêt plus loin, la petite station Nishitetsu-Gojo ne paie pas de mine. Nous descendons dans un environnement urbain présentant peu d’intérêt. Après une demi-heure de marche, le sanctuaire de Kanzeon-ji se dessine au bout d’une allée arborée. Derrière les arbres, un champ de fleurs. L’ambiance est complètement différente. C’est le premier temple bouddhiste construit sur l’île de Kyushu. Il date du VIIe siècle. Dans le bâtiment moderne juste à côté, des statues uniques en bois du IXe siècle. Et pourtant, personne, seule une fidèle est venue brûler quelques bâtons d’encens. Quelle différence avec la visite précédente !

Après avoir visité le temple et les bâtiments annexes, nous entrons dans le petit musée jouxtant le domaine. Comme dans de nombreux endroits, nous nous déchaussons. Le vestibule est simple, nous prenons un fascicule, payons une somme modique de quelques centaines de yens et montons les escaliers pour visiter l’unique salle rectangulaire du musée. Immédiatement, on est observé, scruté par d’immenses statues de bouddha et de démons. Impressionnés, nous nous asseyons quelques minutes pour prendre la mesure du témoignage unique que nous avons la chance de contempler. Nous sommes seuls, on dirait qu’elles sont habitées, prêtes à bondir, marcher, prier. Du haut de leur existence, elles nous toisent d’un regard bienveillant nous invitant à nous questionner. On se sent pénétré par leur présence. C’est une sensation apaisante, presque mystique.

Ces deux jours à Fukuoka se terminent, le lendemain, nous partirons pour la ville de Beppu, haut lieu du thermalisme de l’île. On ne compte plus ses bains publics (appelés « onsen »). C’est une ville d’eau coincée entre mer et montagne.