La Roumanie, le delta du Danube, plus grande réserve naturelle d’Europe (partie 4)

La Roumanie, le delta du Danube, plus grande réserve naturelle d’Europe (partie 4)

13 août 2024 0 Par Gilles Fontaine

Deuxième plus long fleuve européen après la Volga, le Danube vient se jeter dans la mer Noire à hauteur de la frontière ukrainienne. Les villes de Sulina et Saint-Georges marquent les embouchures des deux bras sud du fleuve. Plus au Nord, la deuxième branche du cours d’eau vient compléter le squelette du delta. Toute la zone est couverte de canaux, lacs, roselière. C’est la plus grande réserve naturelle d’Europe abritant une des plus riches flore et faune de notre continent.

Le Danube marque également la frontière avec l’Ukraine. L’actualité du conflit russo-ukrainien nous amène également à nous interroger sur le concept même de frontière. Qu’est-ce qui différencie un habitant de la rive sud et nord ? Ils vivent de la même pêche et partagent la même eau. Le droit à la sécurité et à la paix tient à peu de choses et il est souvent injuste.

Comme beaucoup de fleuves, son histoire n’a pas toujours été tranquille. Le pouvoir roumain du début du siècle avait compris la richesse du site. Il l’avait fait prospérer en intelligence avec les cycles naturels et la population locale par le biais de sociétés coopératives. L’avènement du communisme rompit cet équilibre et abîma durablement le delta. La chute du régime de Ceausescu, l’appui des pays voisins et l’entrée dans l’Union européenne ont permis de stopper et restaurer ce patrimoine. Aujourd’hui, le delta revit entre pêche et d’agriculture traditionnelle. Afin d’améliorer son niveau de vie, la population est désireuse d’intégrer un tourisme responsable et respectueux du site.

Tulcea marque l’entrée de la banche sud du fleuve qui se divisera elle-même encore en deux. C’est la dernière grande ville et le point de départ pour les villages qui ne sont accessibles que par voie fluviale. Le fleuve est comme une autoroute, navette rapide, service de transport, médecin, tous s’y retrouvent. C’est le cordon ombilical qui relie ces petites communautés au reste du monde. La circulation y est intense, ils sont des centaines à naviguer entre Tulcea, Sulina pour le bras central et Saint-Georges pour le bras le plus au sud.

Nous nous sommes rendus à Sulina. Il faut compter deux heures de navigation fluviale à vive allure pour y arriver. Notre pilote doit faire preuve de dextérité pour naviguer entre les vagues des autres embarcations, des péniches et des cargos. Par moment nous sommes ballottés sur nos sièges et, enfin, les premiers entrepôts (désaffectés) apparaissent pour laisser place à la petite ville lacustre. Le changement d’ambiance est immédiat. Il n’y a que peu de voitures, les quais sont occupés par quelques péniches et un cargo en attente de la visite de la douane. Ici, la vie s’écoule au fil de l’eau et des arrivées des bateaux de touristes. On y trouve quelques pensions de famille. L’été c’est l’endroit idéal pour se retirer aux confins de l’Europe. Un peu plus loin, c’est la mer Noire.

En remontant le fleuve, au-delà de Sulina, le delta se fait plus calme. Le fleuve est parsemé de petits villages. Des lacs et des canaux permettent la circulation de barques de pêche. Les habitants ou de petites sociétés de tourisme proposent des excursions en kayak. Pour la navigation, pas de crainte, les eaux sont calmes. Nous sommes étonnés par la force du vent. Sur les lacs, même une légère brise influence notre avancée.

C’est le domaine des oiseaux et plus particulièrement des pélicans. Ils se sont réunis par centaines. Ils volent au-dessus de nos têtes. De lacs en canaux, on arrive sur de petites îles. On est comme seul au monde au milieu de cet environnement de roseaux. Seules les collines (et Google map) nous renseignent sur notre position.

En quelques mots, promener sur le Danube est une expérience inoubliable. Les habitants sont accueillants et essaient de préserver leur mode de vie tout en tirant avantage du tourisme. Dans cette région, homme et nature cohabitent depuis des centaines d’années. Parfois, l’entente est cordiale, voire symbiotique. À d’autres époques, l’homme a voulu dompter le fleuve. Ces tentatives se sont soldées par des échecs. Aujourd’hui, après la période communiste, les habitants ont forgé une nouvelle alliance avec le Danube, plus respectueuse, pour le bien de tous.