Kyoto (partie V)
Kyoto est la dernière étape de notre voyage avant Tokyo. A premier abord, c’est une grande ville avec ses gratte-ciel, ses grandes avenues, son rythme effréné. Dans un second temps, c’est aussi un des centres spirituels du Japon avec ses nombreux temples, ses lieux de culte et son palais impérial. Enfin, c’est un village avec ses petites ruelles, ses galeries commerciales et ses restaurants typiques. Nous avons un seul regret c’est de ne pas y rester plus longtemps. Kyoto symbolise parfaitement la dualité de la société japonaise, entre tradition et modernité.
Le palais impérial
Au centre de la ville, cet imposant édifice est niché dans un parc de 63 hectares. Il a été la résidence de l’Empereur jusqu’en 1868. Les bâtiments actuels datent de 1855. La visite est libre et gratuite le long d’un parcours établi. On ne peut rentrer visiter les différents immeubles composant le complexe impérial. Les jardins sont accessibles et valent le détour. Avant de rentrer, on nous remet un badge de visiteur. La présence des officiels de la Maison impériale nous impose un certain respect. Dans la société japonaise, l’empereur est un monument vivant et l’on ne plaisante pas à son sujet, c’est une figure très respectée. La visite se fait dans une ambiance quasiment religieuse.
Les différents édifices sont composés de portes monumentales, salles d’audience et résidences. On pourrait qualifier le palais impérial de Kyoto de Versailles japonais. On mesure la puissance de l’Empire à la grandeur de ses bâtiments de la même manière que dans nos sociétés occidentales. Seul le style diffère. On est impressionné par les nuances de rouge, les dorures des portes, la dimension des bâtiments. Rien n’est petit, même les avenues sont d’une largeur impressionnante. L’empereur est traité comme un dieu vivant et son palais doit en être digne.
Quoiqu’il en soit, la demeure impériale et ses jardins sont un îlot de verdure au centre de la ville. Préférez une visite matinale pour éviter la foule. Le lieu est très prisé par les touristes et les locaux.
Les jardins sont un modèle d’école du genre japonais. Tous les éléments y sont, des allées parfaitement ratissées, des arbres taillés avec minutie, une rivière où des poissons nagent tranquillement et des ponts de forme arrondie. On pourrait y passer des heures tellement on s’y sent bien ; sa vue est reposante. Une expérience intéressante dans l’exploration de nos sens est de porter notre attention sur l’ouïe. Comme la visite est très respectueuse, le silence et les murmures ne viennent pas nous troubler. Notre esprit peut alors porter son attention sur des sons habituellement cachés. Le vent dans les feuilles, les différentes textures au sol, le bruit de l’eau ou de la pluie révèlent une facette différente de ces jardins.
Le Kyoto caché
Kyoto n’est pas qu’un ensemble de temples et de buildings. La ville a conservé un esprit traditionnel. Nous logeons dans un « Ryokan », c’est une auberge typiquement japonaise. On pourrait les comparer à nos chambres d’hôtes. L’intérieur est chaleureux, souvent tout en bois. Dès l’entrée, on se déchausse, un petit oratoire pour les esprits de la maison trône dans le vestibule. On peut y placer quelques menues monnaies pour s’attirer leurs bienfaits.
La chambre est spartiate, du parquet, un grand espace, et un petit coin pour déguster du thé. On y trouve peu de meubles, car quand vient l’heure du coucher, nous devons préparer nos couchages. Tout est prévu, dans les placards, nous trouvons un matelas fin (futon), des oreillers aussi très fins et des édredons. Nous dormons directement par terre. L’ambiance dépouillée de tout confort nous permet de toucher un peu la civilisation nipponne et une certaine zénitude. Le reste du ryokan est bien équipé, nous pouvons utiliser la cuisine, il y a deux salles de bain partagées. La maison est entièrement consacrée à la réception des touristes.
En sortant du gîte, les petites rues de Kyoto s’offrent à nous. On peut longer de petites rivières ou de plus grandes, on en oublierait presque la ville tellement le calme règne. On croise quelques passants, les éclairages de nuit avec les cerisiers en fleurs sont magnifiques.
Nous déambulons dans les rues pour trouver un restaurant. Ils sont littéralement pris d’assaut par les habitants. Nous devons faire plusieurs établissements avant d’en trouver un pouvant nous accueillir. Les goûts et les odeurs sont surprenants. Les sauces et condiments relèvent les plats avec une subtilité à la fois douce et piquante.
Les galeries commerçantes
Comme à Hiroshima ou Himeji (voir notre première partie), les passages couverts sont très nombreux et très fréquentés. Au hasard des rues, nous entrons dans Nishiki Market, c’est un joyeux bazar où chacun trouve sa place. Les étals de toutes sortes se succèdent sur plusieurs centaines de mètres. On y trouve un véritable inventaire à la Prévert, de la nourriture, des bibelots, des vêtements, des poissonneries, des magasins d’épices, de thés, de stands de nourriture à emporter, etc. L’ambiance est animée, on y trouve des mets surprenants, des poulpes gélifiés, des éventails, de la viande séchée. La verrière diffuse une lumière légèrement colorée en bleu, vert et rouge. Quelques Occidentaux passent par là, mais la visite est réellement authentique. Nous oublions l’Europe, l’Asie nous transporte dans un autre univers.
Nous en profitons pour faire nos petites emplettes. Nous portons notre choix sur des épices, du wasabi ainsi que du thé vert torréfié. C’est une spécialité de la région. Son goût très surprenant pour nos papilles par son amertume et sa douceur. Quant au wasabi, il est vendu en poudre dans de petites boîtes métalliques. Il faut le délayer dans l’eau pour obtenir la célèbre pâte verte.
Keage Incline (plan incliné) et le quartier des temples
Kyoto compte plus de 1000 temples. On en trouve partout, aux détours des rues, dans les quartiers anciens comme modernes, attention donc à l’indigestion de lieux sacrés ! Au pied du chemin des philosophes, un lieu allie promenade et spirituel. Ce sont les alentours de Keage Incline. C’est un ancien plan incliné qui servait à transporter des barges entre deux plans d’eau de la ville au premier temps de l’industrialisation. Maintenant, c’est un lieu de promenade bordé de dizaines de cerisiers. Les japonais, qu’il pleuve ou qu’il vente ne raterait pas le spectacle de leur floraison. On croise des femmes en kimono, des photographes contemplant la fleur de cerisier. C’est un lieu de promenade très prisé des habitants. Les temples sont également moins prisés par les touristes.
Arashiyama
Il nous reste peu de temps avant de partir pour Tokyo. Pour notre dernière journée, nous préférons nous éloigner du centre et éviter les complexes plus touristiques. C’est un choix, nous ne visiterons pas le célèbre sanctuaire Fushimi Inari-Taisha et ses milliers de torii rouges. Notre guide nous renseigne l’un des plus vieux ponts du Japon et une forêt de bambous. Ce programme nous tente et prenons le train pour la station de Saga-Arashiyama.
Dans un premier temps, nous sommes surpris, l’endroit grouille de monde ! Il est vrai que l’on est dimanche. Les trottoirs débordent littéralement sur la route. Les voitures doivent rouler au pas pour se frayer un chemin dans la foule. Nous nous dirigeons vers la forêt de bambou et ses différents temples. Encore une fois, la ferveur des Japonais ne se dément pas. Il faut dire qu’une offrande aux esprits du lieu ne prend que quelques minutes. On se purifie à l’entrée du sanctuaire, ensuite on se présente devant la divinité, on s’incline, on jette une pièce dans un oratoire, on sonne la cloche, on claque dans les mains et voilà, la divinité intercédera en votre faveur. On peut également acheter de petits objets pour déposer à proximité du temple. Ils se vendent quelques centaines de yens.
Nous arrivons enfin à la forêt de bambous, le monde est toujours présent, mais pas oppressant. La foule est calme et tranquille. Elle s’écoule comme un fleuve entre les temples et la forêt tout juste troublée par les pousse-pousse tirés à la force des bras.
Pour finir, nous nous frayons un chemin jusqu’au célèbre pont. C’est un des plus vieux du Japon. On en retrouve la trace depuis le IXe siècle. Bien entendu, nous ne marchons pas sur le pont d’origine. La vue sur la rivière et les montagnes avoisinantes est magnifique. Nous sommes en plein Hanami et les touches de couleurs roses dans la montagne sont comme des touches de peinture sur un tableau géant.
Un rite de passage à l’âge adulte est rattaché à ce pont, lorsqu’une fille ou un garçon atteint l’âge de 13 ans, il/elle se doit de voyager jusqu’au temple Horin-ji afin d’obtenir la sagesse et un exorcisme. Après la visite, cet enfant doit traverser le pont sans se retourner sinon il perdrait la sagesse acquise auprès des dieux. Cette tradition est appelée Juusan Mairi (la visite des 13 ans).