Bucarest et le Palais du Peuple (Partie 3)
Le palais du peuple et la villa privée de Ceaușescu, le rêve fou d’un homme mégalomane, l’héritage d’un peuple
Si vous allez à Bucarest, vous ne pouvez pas l’ignorer, construit en hauteur, le bâtiment écrase tout par ses dimensions de plus de 200 mètres de côté et ses 8 étages. Il est la concrétisation du rêve fou du dictateur Nicolae Ceaușescu. Pour le construire, il a ordonné l’expropriation d’un cinquième de la ville. Des milliers de personnes ont été relogées dans des conditions insalubres. Inachevé au moment de la révolution de 1989, cet encombrant héritage a été longtemps une source de préoccupation pour le peuple roumain. Que faut-il en faire ? Un centre commercial ? Un casino ? Non ! Il a été décidé de l’achever pour devenir le cœur de cette nouvelle démocratie. Il abrite le siège des différentes institutions comme le Parlement, le Sénat, ou la plus haute juridiction du pays. L’ironie du sort est que le dictateur n’a jamais vu son œuvre accomplie.
En tant que visiteurs, nous ne parcourons qu’une partie infime du bâtiment, approximativement 5%. Comme c’est un bâtiment officiel, la sécurité est renforcée. Une fois les contrôles de sécurité passés, un escalier gigantesque s’ouvre juste devant vous. Le style est monumental. Les sols sont revêtus des plus beaux marbres ou pierres venues de l’Europe tout entière. Les pièces en enfilade se succèdent sur des dizaines de mètres. Elles sont tellement nombreuses qu’elles ne peuvent pas être toutes occupées malgré les activités officielles et l’organisation d’événements privés.
Le palais n’est pas la seule construction remarquable, tout le quartier et l’urbanisme de la ville a été modifié. Le bâtiment trône sur une colline arasée qui donne sur une grande esplanade en demi-cercle lui-même bordé d’immeubles d’inspiration communiste. Ce sont les différentes administrations et ministères. En son centre, une large avenue a été creusée pour donner sur la place Unirii. Elle est traversée de jets d’eau et entourée de hauts immeubles. Hier, vitrine du communisme ; aujourd’hui, livrés au capitalisme le plus débridé. Les soirs de week-end, la place est devenue le lieu de rendez-vous de la jeunesse de Bucarest. Les jets d’eau s’animent au rythme de la musique et des lumières, la circulation est coupée, les amoureux déambulent en ignorant la foule les entourant. Symboliquement, les Bucarestis ont fini par transcender leur avenir.
Proche de l’Arc de Triomphe, dans les beaux quartiers de Primăverii, se trouve la maison privée Nicolae Ceaușescu. Il logeait également ses deux fils et sa fille. De l’extérieur, à part un imposant perron, presque rien ne la différencie des autres maisons du quartier. Ce n’est qu’une fois la porte franchie que l’on change de monde. Toute la démesure de la famille s’exprime sans aucune retenue. Tout n’est que luxe, mosaïque, peintures, tapisseries et cadeaux précieux offerts par de nombreux chefs d’État occidentaux comme de Gaulle, Nixon, ou la reine Élisabeth II. La maison dispose de toutes les commodités modernes de l’époque. Piscine, spa privatif, jardin d’hiver, salon de coiffure, rien n’était oublié. Le plus impressionnant est le dressing du couple Ceaușescu. Les armoires regorgent de chaussures, fourrures, parkas, vestons, tailleurs sur des dizaines de mètres linéaires.
Quand on connaît la dureté du régime mis en place et la misère dans laquelle le peuple était plongé ainsi que les souffrances endurées, on comprend les raisons de la révolution roumaine et de sa violence. Sur beaucoup de places des grandes villes, on trouve des stèles commémoratives pour se souvenir des héros de la révolution tombés sous les balles et les coups du totalitarisme. Le saut dans le temps n’est pas lointain. Il nous ramène en décembre 1989 ! Que de chemin parcouru en quelques années !