Navigation sur le Nil (épisode 4)
La fin de journée marque le retour des visiteurs sur le navire. Une fois les dernières cartes d’embarquement recueillies, la passerelle est rentrée et nous pouvons commencer la navigation. Les distances sont relativement courtes, nous arriverons à notre prochaine escale en fin de nuit. En attendant, nous profitons de la lumière du soleil qui se couche. Les nuances de rouge et d’orange qui se découpent sur la végétation au bord du fleuve sont uniques. Il faut savourer ce moment furtif qui ne dure que quelques minutes. Le voyage nous amènera à Assouan, la grande ville du sud, ancienne frontière naturelle du royaume des pharaons en passant par Edfou et Kom Ombo. Nous resterons cinq jours sur le navire.
Comme partout en Égypte, le tourisme est érigé en industrie, nous sommes loin des descentes décrites par Agatha Christie. Le nombre de navires est important et les touristes au départ de Louxor assez nombreux. Cependant, petit à petit les autres bateaux s’éloignent et la magie du Nil opère, nous profitons de ces moments suspendus un peu hors du temps. Tout paraît plus lent, nous pouvons discuter, partager nos impressions avec notre guide ou avec les autres voyageurs. Généralement le matin est consacré aux visites et l’après-midi à la navigation. Notre tranquillité est parfois troublée par des vendeurs ambulants sur de petites coquilles de noix qui s’accrochent littéralement à notre navire. Ils vendent un peu de camelote comme des vêtements de très mauvaise qualité.
Les deux temples sur notre chemin sont d’une érection plus tardive. Ils sont donc mieux conservés. Ils ont été construits à l’époque grecque, lorsque l’Égypte était dirigée par la dynastie ptolémaïque. L’interaction entre la culture égyptienne et grecque a marqué cette dernière de manière indélébile. Empruntant un chemin détourné par la culture romaine (héritière de la Grèce), certains aspects sont parvenus jusqu’à nos jours. Nous pouvons prendre pour exemple le « naos » qui est le lieu le plus sacré du temple. Il est parvenu en Grèce et puis à Rome, les chrétiens l’ont repris avec le tabernacle qui est le réceptacle des hosties et du vin de messe. Ils sont la représentation physique de Jésus sur terre abritée dans une enceinte protégée comme le dieu dans son « naos ». On pourrait faire le même genre de comparaison entre les dieux égyptiens et gréco-romains, les premiers ayant alimenté la mythologie des seconds.
Nous pouvons également observer des traces d’occupation plus tardives des temples par d’autres cultes (les chrétiens coptes notamment). Indirectement ils ont contribué à la conservation des édifices en les occupant de manière continue.
Quatre jours après notre départ de Louxor, nous arrivons à Assouan le soir, nous sommes accueillis par les lumières de la ville et une pleine lune qui se reflète sur les eaux du Nil. Nous quittons le Maghreb et l’Afrique du Nord pour toucher du bout des doigts l’Afrique centrale. C’est un endroit de rencontre entre deux mondes. La peau des habitants se fait moins claire, des drapeaux rouge jaune vert apparaissent, l’ambiance est différente et l’état d’esprit aussi. Tout est plus calme, même la circulation, l’usage des klaxons se fait plus discret. Au programme des jours suivants (dans le prochain épisode), le grand temple d’Abou Simbel, la carrière de pierre avec l’obélisque inachevée, le barrage d’Assouan, le lac Nasser, la visite de la réserve naturelle le long du Nil, le Jardin botanique de l’île Kitchener ainsi que les fouilles archéologiques de l’île Éléphantine.